Présentatrice : Je rappelle que ce soir, autour de cette table, sont invités Monsieur Daniélou, qui est spécialiste sur l’Inde, Monsieur Pasquier qui va parler de l’écologie à la lumière de la pensée de Monsieur Daniélou, ainsi que Monsieur Cloarec.
Interviewer : On va revenir à ce monde de l’Inde qui est associé justement pour beaucoup de Français, disons d’une façon très plate, à une moindre agressivité, à une moindre décharge de sectarisme, à une moindre hostilité déclarée aux autres dogmes. Est-ce que l’Inde, pour vous Monsieur Daniélou, est synonyme de tolérance ?
Alain DANIÉLOU : Oui. Je ne dirais pas de non-violence, mais de tolérance, certainement, fondamentalement. C’est d’ailleurs pourquoi tous les peuples persécutés ont pris refuge dans l’Inde. C’est dans l’Inde qu’il y a les premières églises chrétiennes, dans l’Inde qu’il y a les plus anciennes colonies juives, dans l’Inde que les Parsis chassés par l’Islam de la Perse ont trouvé refuge. Ainsi, c’est un pays qui a toujours su et qui a toujours été ouvert à toutes les religions, à tous les groupes éthiques, etc. à cause de son système, en somme, assez particulier qui est de la cohabitation et pas à l’assimilation. C’est donc un système où chacun et chaque groupe conserve son individualité, sa liberté, sa religion, ses coutumes, sa langue, etc. Ce qui fait que c’est une mosaïque de peuple et de culture et de religion. Au fond, cela avait merveilleusement marché pendant des millénaires.
Interviewer : Quand on lit l’histoire de l’Inde, on pense à ce vieux proverbe « Les peuples heureux n’ont pas d’histoire » parce qu’il y a quand même une succession extraordinaire de conquête et de dominations étrangères. Au fond, les règnes nationaux de l’Inde sont plutôt l’exception. On a l’impression un tout petit peu que les Indiens sont sortis de la domination des Mongoles pour tomber dans celles des Anglais et au fond, l’indépendance de l’Inde nous paraît une idée un peu récente et une réalité d’ailleurs imparfaite parce que vous évoquiez aussi les conditions du partage qui durent encore entre l’Inde et les musulmans qui forment le Pakistan.
Alain DANIÉLOU : Oui, mais ceci était une chose complètement artificielle qui faisait partie d’une théorie de l’Empire Britannique de « Divide and Rule » et qui a été préparée. C’est pour les conflits entre Hindous et Musulmans qui vivaient parfaitement bien dans les mêmes quartiers tout en restant d’une certaine façon très séparée et en collaborant sans aucun problème. C’est très artificiellement qu’on a créé cette hostilité, qu’on a pris ensuite comme prétexte pour diviser l’Inde. Alors qu’en fait, tous les grands chefs musulmans étaient absolument contraires à cette division et qu’on a été inventé un personnage qui n’était jamais venu dans l’Inde, qui n’était jamais entré dans une Mosquée, qui s’appelait Monsieur Jinnah et qu’on a décidé qu’il ferait le leader d’une nouvelle nation islamique qu’on a appelé le Pakistan.
Tout cela est très artificiel, mais je crois qu’on l’a un peu fait partout. Nous voyons ces divisions dans les différents pays qui sont peut-être très maladroites parce qu’elles créent des problèmes insolubles.
Interviewer : Oui, nous n’en finirons pas dans le monde de récolter les divisions que l’Empire britannique a semées, que ce soit la Palestine, que ce soit Chypre, que ce soit l’Inde, que ce soit Nigéria. C’est partout les fruits empoisonnés.
C’est une première question qui vient à l’esprit dans la mesure où, en effet, le monde du Pakistan et du Bengladesh font partie de l’Inde, ce sont des parties musulmanes. Est-ce que dans l’esprit des nationalistes, traditionalistes hindou auxquelles vont vos sympathies, est-ce que dans leur esprit, cette division est temporaire ou est-ce qu’elle est finalement admise comme un moindre mal ?
Alain DANIÉLOU : Je crois qu’ils n’ont pas pu vraiment accepter et que les Allemands l’ont accepté.
Interviewer : Le cousin germain.
Alain DANIÉLOU : Le cousin germain. Par ailleurs, évidemment, quand on crée des divisions de ce genre, probablement, cela peut être très difficile à ressoudre parce qu’on arrive à de tels problèmes : de guerre, de conflit, de persécution, etc. qui créent des divisions difficiles.
Interviewer : Irréparable.
Alain DANIÉLOU : Oui, mais le reste de l’Inde est tout de même toujours très divisé. Ce sont des provinces qui ont chacune leurs langues, leurs cultures, leurs écritures même. Donc, il n’y a aucune difficulté à associer d’autres provinces.
Interviewer : Qu’est-ce qui vous paraît le plus marquant dans l’histoire générale de l’Inde depuis l’antiquité telle que vous le décrivez dans votre livre ? Est-ce que vous, vous considérez qu’il y a une ligne directrice que l’Occident et la France qui aiment bien les idées simples et les rationalisations, les choses qui tiennent dans une petite fiche et qui se logent de façon confortable dans une mémoire, est-ce qu’il vous semble qu’il y a une idée directrice ou est-ce que vous préféreriez faire un pied de nez en disant que les idées directrices sont fausses ?
Alain DANIÉLOU : Peut-être, mais je crois qu’on pourrait dire, c’est le principe de tolérance, certainement. C’est tout de même la seule religion, si on appelle l’hindouisme une religion, qui ne fait pas de prosélytisme, qui ne cherche absolument pas à convertir les gens, qui respecte les façons de croire et qui ne prétend pas du tout qu’une conception de la religion, du divin, de la morale, est meilleure qu’une autre parce qu’en fait, il y a ce doute fondamental qui peut se permettre de considérer qu’il détient la vérité. Et cela, je crois que c’est une chose absolument fondamentale qui différencie l’hindouisme de toutes les autres religions, c’est de ne pas prétendre que la vérité est une et qu’il y a quelqu’un qui la possède.
Interviewer : Vous disiez, je crois, que quand un hindou rencontre quelqu’un d’une autre religion, il le félicite parce qu’il trouve qu’ils seront deux à chercher la vérité.
Alain DANIÉLOU : Oui, exactement. D’ailleurs, et j’admets, il y a un effort pour convertir quelqu’un. Mais vous dites : « vous avez des rites, vous croyez dans des divinités, mais suivez votre voie. »
Interviewer : Pour un écologiste comme Monsieur Louis Pasquier, est-ce qu’on n’a pas là finalement une espèce de voie qui nous ramène au respect, voire à la divinisation de la nature à laquelle je vous ai souvent entendu faire allusion ?
Louis PASQUIER : Tout à fait. En fait, en parlant un peu avec Monsieur Daniélou lors de notre voyage, de petit voyage pour aller jusqu’ici, il disait et on dit : « Sauvons la nature ! » C’est le cri, c’est l’archétype actuel de différents écologistes. Mais en fait, il faudrait nous sauver par la nature, il faut inverser le problème. Il faut inverser la question du moins. Là aussi, « respectons la nature. » En fait, on n’a pas à respecter la nature, on a à se respecter à travers la nature. La nature nous parle et il apporte. Si nous voulons vraiment la préserver, j’emploie un mauvais mot, il importe que nous essayons de la comprendre, de comprendre ces forces subtiles dont parlait Monsieur Daniélou. Simplement, de faire un petit aparté du moins, s’agissant du cardinal.
J’en ai parlé avec Monsieur Daniélou lors de notre première entrevue, mais sans doute, il ne s’en souvient pas, c’était assez banal, encore que c’est une importance devant un micro, me semble-t-il. J’ai eu deux fois le privilège de voir Monsieur Votre frère et notamment une fois avec mon fils. Ces questions de polythéisme avec un petit « p », disons, n’étaient pas étrangères ou peut-être était-ce dû à l’influence de Monsieur Alain Daniélou n’était pas étrangère, et en tout cas, il n’y était pas hostile.
Des gens comme, je me souviens, à l’époque, je lui ai parlé de Gurdjieff, bien sûr, il ne m’a pas demandé à entrer dans le groupe, mais il voyait avec une certaine sympathie la démarche de recherche qui a été à l’époque préconisée par Gurdjieff. C’était simplement une petite incidence, s’agissant de la nature qui est le problème numéro un actuellement, qui est la question fondamentale qui devrait agiter les uns et les autres. Il y a une seule façon de la sauver, c’est de la considérer avec la méthode que préconise Monsieur Daniélou.
Monsieur Daniélou, bien évidemment, indépendamment de son intelligence a pris les leçons de l’hindouisme, mais c’est la seule façon d’après moi, la seule et unique façon de pouvoir adopter un comportement au terme duquel nous pourrons vivre en certaines harmonies parce que nous-mêmes, nous serions développés d’une façon harmonieuse. Il ne s’agit pas de profiter, il s’agit de tirer profit des leçons qui nous sont constamment données.
Interviewer : Je vous rappelle que nous sommes sur Radio Courtoisie. Nos invités ce soir sont : Monsieur Alain Daniélou qui est le grand spécialiste de l’Inde que l’on connaît, auteur de l’histoire de l’Inde notamment et d’un livre « Shiva et Dionysos », je rappellerai en fin d’émission la bibliographie de Monsieur Daniélou, ainsi que le président Louis Pasquier, Monsieur Cloarec.
Je donne un tout petit peu la parole aux auditeurs qui nous posent des questions, les unes naïves, les autres extrêmement pertinentes, qu’on va essayer d’utiliser pour en dire un peu plus de tout cela.
Un auditeur nous dit : « Les anges des religions monothéistes ne sont-ils pas des avatars ou des évolutions des dieux du polythéisme ? »
Alain DANIÉLOU : En tout cas, dans certains cas, ils ont des correspondances. Il y a certains archanges qui correspondent à des divinités qu’on peut substituer l’un à l’autre. Ce sont en effet des vestiges de divinités qui ont un rôle particulier. Les anges, ce n’est pas des entités vagues, mais ils ont chacun un domaine dans le monde naturel ou surnaturel qui correspond en fait à une divinité.
Interviewer : On peut aussi étendre cela à une partie du culte des saints, c’est une réflexion personnelle.
Une auditrice nous pose la question qui évidemment allait venir ce soir, c’est de savoir : « Quelle est votre position quant à la réincarnation ? »
Alain DANIÉLOU : Moi, personnellement, je sais que beaucoup de gens dans l’Inde croient à la réincarnation qui vient d’une religion très particulière qui s’appelle le Jaïnisme et qui a été reprise par les bouddhistes. Mais dans les milieux philosophiques que j’ai fréquentés, au fond, la réincarnation apparait comme une impossibilité parce que qu’est-ce qui se réincarne ? Vous comprenez, c’est cette idée, cette vanité de l’homme de vouloir continuer tel qu’il est. En fait, de même que dans la conception de la philosophie shivaïte, notre corps se dissout et ressert à former d’autres corps, de même, notre esprit, etc., mais il n’y a pas une personne, il n’y a pas un moi avec une mémoire qui peut se transporter d’un être dans un autre.
Interviewer : Au fond, vous ne croyez pas à la réincarnation, vous n’adhérez pas à cette idée.
Alain DANIÉLOU : Non, ni au karma.
Louis PASQUIER : Ce que je veux dire, c’est que c’est une théorie tout à fait particulière d’un certain monde shivaïte, qui est une branche de l’Hindouisme à laquelle vous avez eu connaissance mais que 90% sinon plus des Indiens croient en la réincarnation. Donc, Monsieur Daniélou est là dans une branche dissidente, je veux dire, de l’hindouisme classique, pas dissidente. C’est une branche fondamentale.
Interviewer : Vous avez attribué cela à une chose particulière qui est en marge complètement.
Alain DANIÉLOU : Oui, et puis, c’est incorporé dans l’Hindouisme, mais qui ne faisait partie ni du Védisme ni du Shivaïsme originel.
Interviewer : Vous considérez que c’est une dérive cette croyance.
Alain DANIÉLOU : Et qui est en somme une sorte de théorie pour justifier du fait que les hommes ne naissent pas tous avec les mêmes avantages, en quelque sorte. Il y en a qui naissent beaux et intelligents, d’autres qui naissent stupides et laids et qu’alors, pour chercher une explication, on dit : « C’est parce qu’ils se sont mal conduits dans la vie précédente. »
Louis PASQUIER : On a dit dans ce livre où vous avez très bien expliqué cette théorie des shivaïtes.
Interviewer : Le livre est « La Fantaisie des Dieux et l’Aventure Humaine » d’après la tradition Shivaïte, d’Alain Daniélou, aux éditions du Rocher.
Autre question : « Que pensez-vous de l’œuvre d’Evola ? Est-ce que vous êtes intéressé à l’œuvre d’Evola et particulièrement à son livre sur le yoga tantrique ? »
Alain DANIÉLOU : Oui, c’est une bonne approche par un occidental. Je suis un petit peu toujours surpris parce que je connais les choses par l’autre bout. Mais enfin, cela contient beaucoup d’éléments qui sont intéressants.
Interviewer : Qu’est-ce que vous pensez des occidentaux orientalistes ?
Alain DANIÉLOU : Alors cela, c’est souvent un désastre.
Interviewer : Parce que c’est un peu le point de vue par exemple d’un homme qui appartient à une tradition différente, qui est Idries Shah, qui s’insurge un peu contre tout un courant d’occidentaux orientalistes, en disant que la grande sagesse de l’orient que représente le soufisme, c’est plutôt la recherche d’une réflexion commune avec l’Europe et l’occident.
Alain DANIÉLOU : C’est-à-dire, c’est une question de connaissance profonde. Je crois de même qu’un homme comme Corbin avait une connaissance réelle du soufisme parce qu’il le pratiquait, parce qu’il était un soufi.
Interviewer : Bien entendu, mais avec Idries Shah, il y a beaucoup d’occidentaux. Il y avait Robert Graves, par exemple, qui était un anglais. Par occidentaux orientaliste, il entend, lui, non pas les occidentaux qui ont vraiment pratiqués de l’intérieur le monde oriental, qu’ils soient soufis ou qu’ils soient hindous, mais les occidentaux qui se piquent d’orientalismes sans en chercher la vérité profonde, c’est de l’orientalisme de bazar.
Alain DANIÉLOU : Le pire est peut-être l’universitaire parce qu’il est le plus fermé, le plus prétentieux et le plus ignorant, si on tombe toujours dans la docte ignorance. Et alors, il y a tous ces gens très gentils qui rêvent de l’Inde mais ils ne connaissent rien, alors, ils sont la proie de Gourous commerciaux qui n’ont rien au fond. On ne sait pas, peut-être que cela leur sert à quelque chose, mais c’est tellement loin d’une recherche profonde et réelle de l’hindouisme que c’est difficile d’en dire quelque chose.
Louis PASQUIER : Vous disiez l’autre jour, que le problème, c’était que beaucoup de gens qui allaient vers l’Inde allaient chercher des expériences.
Alain DANIÉLOU : Oui, en effet. Et là, c’est un défaut terriblement occidental. Les gens veulent avoir des expériences et pas des connaissances. Or, ce qui est intéressant, c’est de connaître, c’est de comprendre. On veut et au fond un certain romantisme exotique qui est presque comme une drogue, il se plonge dans une espèce. D’ailleurs, on les fait jeûner, on les empêche de manger, on les change en végétariens, etc. On crée des conditions dans lesquelles ils sont un peu drogués. Et ils y trouvent une certaine satisfaction et on leur dit : « Cela, c’est de la méditation transcendantale. » Qu’est-ce que vous voulez qu’on dise ?
C’est triste parce qu’il y a tellement de choses passionnantes à connaître et à approfondir dans une civilisation comme celle de l’Inde. On délivre les bonnes volontés vers des expériences extrêmement superficielles.
Louis PASQUIER : Toujours faites en anglais en plus.
Alain DANIÉLOU : Moi, je n’ai jamais rencontré des gens qui prétendent s’intéresser à l’Inde et qui parlent une langue indienne, même à l’université. Ils savent un petit peu griffonner. Ils se font… on est stupéfait. Moi, je ne peux pas utiliser des publications de l’institut de la Sorbonne parce que quoi ? Parce qu’ils ne peuvent pas lire le sanskrit, ils le transcrivent en écriture occidentale, ce qui pour moi est tout à fait illisible. Comment prétendez-vous enseigner une culture ? Enfin, quelqu’un qui enseignerait le Grec et ne pourrait pas lire le Grec, je dirais c’est…
Interviewer : C’est paradoxal.
Louis PASQUIER: Ce qui est un drame pour nous, ce qui peut paraître stupide pour un européen ou un occidental au sens large est encore pire pour vous. J’ai appris dans votre livre, notamment que les élites indiennes savaient mieux parler l’anglais que leur langue indienne.
Alain DANIÉLOU : Oui, ils étaient complètement dénaturés. D’ailleurs, c’est dans beaucoup de pays.
Louis PASQUIER : Non, mais cela, c’était évident.
Alain DANIÉLOU : Les anciennes colonies, on apprécie les gens parce qu’ils parlent très bien français. On ne le dit pas qu’il parle très bien le Swahili ou quelque chose. C’est un type très cultivé, il parle très bien le français.
Louis PASQUIER : Oui, mais dans votre livre, cela va plus loin parce que vous dites qu’ils ont parlé l’anglais parce qu’on a tout fait pour qu’ils parlent anglais, pour qu’ils oublient leur culture, on les a tués, cela a été un massacre, c’est bien pire que…
Jacques CLOAREC : Mais il faut quand même faire une définition du mot élite parce que quand vous parlez des élites indiennes, vous entendez surtout de l’Inde modernisée. Parce qu’on peut considérer que l’élite de l’Inde, ce sont justement les grands pandits extrêmement lettrés.
Louis PASQUIER: Évidemment.
Jacques CLOAREC: Et qui eux sont à un niveau extraordinaire de savoir, c’est tout à fait reconnaissant. d’abord la définition du Coran.
Louis PASQUIER : Évidemment. Dans mon esprit, leur élite, c’est celle dont vous venez de parler. Mais celle dont on nous a parlé, quand j’ai appris que Gandhi ou que Nehru parlait mal indien et qu’ils parlaient mieux l’anglais, c’est incroyable.
Alain DANIÉLOU : Nehru baragouinait de Hindi plutôt que du Urdu, mais comme un sous-officier anglais, c’était scandaleux de l’entendre.
Interviewer : Je dois dire, bon, les questions des auditeurs s’amoncellent. Je trouve par exemple cette remarque d’une auditrice qui est une jeune fille que nous connaissons, qui est très proche de la radio et qui fait des études de théologie à l’institut catholique, qui nous souligne que ce n’est pas le culte des saints mais la dévotion des saints qui récupère une sensibilité païenne, il y a nuance. On ne va pas trop entrer dans ce petit jeu qui consiste à savoir la part de paganisme qui est dans le christianisme. D’ailleurs, je crois que vous n’êtes pas spécialiste de cette question.
Je crois qu’on entre là dans une chose où, personnellement, je me sens terriblement européen, c’est-à-dire que j’ai envie de dire, l’Inde aurait besoin par exemple que le hindi dans l’écriture indienne devienne une espèce de langue nationale imposée du nord au sud. Est-ce que tous ces concepts vous paraissent transposables en Inde ?
Alain DANIÉLOU : Pourquoi est-ce que vous voudriez qu’on impose l’anglais ou l’allemand à toutes les langues Europe, supprimer les langues européennes, cela paraît complètement aberrant. L’Inde est un continent avec des cultures très diverses et des civilisations très anciennes.
Interviewer : Mais est-il légitime qu’ils se parlent entre eux en anglais ?
Alain DANIÉLOU : Cela, c’est un accident de l’histoire. Pendant un certain temps, ils se parlaient entre eux en persan parce que pendant l’empire Mongol, la langue nationale était le persan.
Interviewer : C’est plus chic quand même, le persan.
Jacques CLOAREC : Pourquoi pas l’anglais, c’est plus facile maintenant. C’est coupé comme cela, pourquoi pas ?
Alain DANIÉLOU : Non, c’est-à-dire, les gens du sud refusent l’imposition des pays des régions du nord depuis des siècles.
Interviewer : Il n’y a pas qu’aux Indes.
Alain DANIÉLOU : Leur imposer le hindi est pire. Ils aiment mieux une langue internationale qui, au fond, leur sert aussi pour communiquer à l’extérieur.
Interviewer : Il n’y aura pas une croisade des Albigeois, l’Inde n’est pas en train de construire son unité, sa puissance. Est-ce qu’on peut transposer ce type de concept dans l’histoire de l’Inde qui va se faire ? Parce que quand même, il y a une tolérance indienne, il y a une tradition indienne, mais j’ai envie de dire, est-ce que cela n’a pas une part de, pas de lieu commun, je ne voudrais pas employer un mot pareil, mais d’illusion par rapport à une nation qui va chercher quand même… qui fait la guerre par exemple et qui ne la fait pas si mal que cela.
Alain DANIÉLOU : Non et même trop bien. Ecoutez, vous avez un petit pays comme la Suisse où je suis fréquemment où l’on a quatre langues nationales et cela ne pose aucun problème. Et je ne vois pas pourquoi les gens ne pourraient pas continuer. Je ne vois pas pourquoi on obligerait les Basques et les Bretons à parler français.
Interviewer : On les a obligés.
Alain DANIÉLOU : On les a obligés, et comment ? Mais, ce n’est pas un avantage. Finalement, on peut toujours parler plusieurs langues, on peut toujours avoir une langue commune, choisir, cela n’a pas d’importance, mais surtout pas imposer toujours une domination culturelle et linguistique d’une population sur une autre. Cela, c’est très contraire à l’esprit de l’Inde.
Interviewer : On ne peut donc pas imaginer que l’unification se renforce, qu’il y a une rationalité. En tout cas, la langue de l’unité restera l’anglais.
Alain DANIÉLOU : Pas forcément. Simplement, pour l’instant, c’est une commodité parce qu’il s’est trouvé comme cela que c’était une langue que tout le monde avait été obligé d’apprendre et il est commode pour la communication. Mais je ne crois pas qu’à la langue, évidemment, l’idéal serait de revenir au sanskrit qui est une langue superbe et admirable.
Interviewer : C’est la question que j’allais vous poser. Pour faire par descendance interposée, si je veux inciter mes enfants à connaître ce pays qui est voué à un grand avenir peut-être, qui est probablement un partenaire très important pour la France de demain, pour peut-être leur ressourcer, leur conception, ne parlons pas d’apprendre l’anglais. Est-ce qu’il vaut mieux apprendre l’hindi ou le sanskrit ?
Alain DANIÉLOU : Ce n’est pas la même chose. Je crois que pour une langue facile, une langue que tout le monde parlait très couramment et dans laquelle il y a des journaux, des discours, des conférences, etc., le hindi est une très bonne introduction, mais cela peut être le hindi, ou le bengali, ou le marathi, une langue moderne. Et puis, cela vous aide aussi ensuite à étudier la langue savante qui est le sanskrit.
J’ai sur ma table un dictionnaire hindi et un dictionnaire sanskrit et c’est presque la même chose. Seulement, la grammaire est tout à fait différente, celle de hindi est très simple alors que celle du sanskrit est très complexe. Donc, je crois que si on veut approcher – et pour les contacts faciles aussi avec les gens simples qui sont très importants, il ne faut pas avoir à faire seulement avec des grands lettrés – donc, quelqu’un qui veut se rapprocher de l’Inde, je lui dirais sans hésiter : « apprenez le hindi ou le bengali ».
Jacques CLOAREC : Parce que le bengali est aussi proche du sanskrit que le hindi ?
Alain DANIÉLOU : A moins proche pour la prononciation.
Jacques CLOAREC : Mais pas pour le vocabulaire ?
Alain DANIÉLOU : Le vocabulaire, c’est le même.
Interviewer : Ce sont deux langues qui sont proches du sanskrit.
Alain DANIÉLOU : Oui. Pratiquement, le vocabulaire pour les choses savantes était identique, mais alors sur des grammaires tout à fait différentes et des grammaires très simples et très faciles à apprendre et même à parler mal, ce qui est important quand on apprend.
Interviewer : Pouvoir connaître l’argot.
Alain DANIÉLOU : Non, pas seulement connaître l’argot, mais pouvoir se tromper, se parler un peu de travers comme on parle, je ne sais pas, l’espagnol, quatre mots, on peut. Le faire avec un sanskrit, ce n’est pas facile.
Louis PASQUIER : Vous-même, vous parliez combien de langue ?
Alain DANIÉLOU : Je parle le hindi en principe comme le français, et puis le sanskrit naturellement. Puis, j’ai étudié un peu le bengali, un peu le Tamoul, mais vraiment seulement le hindi.
Interviewer : Il y a un auditeur qui nous pose la question suivante, je pense que sa logique est parfaitement sincère. Il nous dit : « Faut-il en conclure que sans la pratique du sanskrit, aucun bénéfice spirituel ne peut être obtenu en provenance de l’Inde ? Dans ce cas, que tous les chrétiens se mettent à l’hébreu. »
Est-ce que la logique de l’Occident, c’est justement de passer d’une chose à une approximation à une autre approximation ? Est-ce que vous en concluez qu’il faut à tout prix apprendre le sanskrit avant de…
Alain DANIÉLOU : Non, certainement pas. Si vous voulez approfondir, connaître un pays et sa culture, évidemment, vous devez parler une langue. Vous ne voudriez pas avoir un chinois qui vive en France pour étudier la culture française et ne parle pas un mot de français. Cela paraît très enfantin. Or, c’est un peu ce que font les chers occidentaux qui vont dans l’Inde.
Interviewer : On pourrait répondre à ce Monsieur que, par exemple, pour vendre du matériel français en Allemagne, il vaut mieux apprendre l’allemand.
Alain DANIÉLOU : Il vaut mieux apprendre l’allemand.
Interviewer : C’est peut-être parce qu’on n’apprend pas assez l’allemand et l’italien qu’on a des déficits commerciaux en provenance de ces deux partenaires. Evidemment, ce n’est pas facile d’apprendre les langues sacrées.
Par exemple, j’ai envie de répondre à la deuxième question de ce Monsieur, dans ce cas tous les chrétiens se mettent à l’hébreu, qu’ils commencent par se mettre à l’étude du latin.
Alain DANIÉLOU : Oui, exactement.
Interviewer : Le latin et le grec éventuellement, puisqu’on corrige le français par le latin, le latin par le grec. L’hébreu est très secondaire, tout à fait.
Alain DANIÉLOU : Les évangiles sont en grecs.
Interviewer : Cela, c’est une grande question. Les livres de Carmignac qui démontrent quand même – il y a un certain nombre de travaux – nous l’avons appris en grec et en latin. En effet, c’est vrai que pour bien comprendre le christianisme, pour bien comprendre la patristique, il faudrait savoir le latin et le grec.
Pourquoi est-ce que l’apprentissage d’une culture ou d’une religion devrait être facile ? Tout serait en français, on devrait parler français ou espéranto comme tout le monde. Est-ce que c’était traduit en espéranto les textes sacrés de l’Inde ?
Alain DANIÉLOU : Bien sûr, les textes sacrés de l’Inde, non. La Bible, oui. Je ne connais pas cela.
Interviewer : On ne s’intéresse pas à l’espéranto en Inde ?
Jacques CLOAREC : Ils ont déjà assez de langue comme cela. Ils sont noyés par les…
Louis PASQUIER : L’esprit et la lettre, Monsieur. En fait, nous sommes à la lettre, l’esprit est autre chose. Il peut être approché sans vraiment une connaissance totale de la langue.
Alain DANIÉLOU : Puis, l’espéranto est une langue essentiellement occidentale, c’est un mélange de français, d’anglais, d’espagnol.
Interviewer : Du mauvais latin, avec du faux portugais.
Alain DANIÉLOU : On ne trouve pas du tout un élément de vocabulaire qui puisse vous aider à traduire du sanskrit.
Interviewer : Je ne suis pas espérantiste, pas du tout. Je place l’espérance ailleurs que dans l’espéranto. Il y a évidemment des tas de questions de curiosité, dont une typique de ma propre curiosité car je ne sais même pas de quoi il s’agit. Je vous le lis telle qu’elle est, elle vient d’une auditrice : « Monsieur Daniélou, que pensez-vous de Brunton ? Quand est-il décédé ? Et Yogananda ? Que vous suggère cette question ? Que pensez-vous de Brunton ?
Alain DANIÉLOU : Paul Brunton, oui, c’est un personnage qui a écrit un livre sur l’Inde. Mais vraiment, je ne me rappelle pas du tout.
Interviewer : Vous en pensez quand même plus que moi parce que je ne sais pas de qui il s’agit.
Jacques CLOAREC : Et l’autre ? Yogananda ?
Alain DANIÉLOU : Yogananda, cela doit être Swami de la mission Ramakrishna ou quelque chose comme cela, qui s’appelle quelque chose comme cela.
Interviewer : Voilà une secte dont on pourrait parler. Hare Krishna, qu’est-ce qui…
Alain DANIÉLOU : Les Hare Krishna, c’est autre chose et Ramakrishna, c’est autre chose. Ramakrishna était une espèce de saint homme qui vivait sur les bords du Gange, un peu comme Diogène dans une cahute tout à fait isolée, qui était une espèce de mystique tout à fait extraordinaire. Il n’a rien d’écrit, il avait des admirateurs, des gens. Puis alors, il avait un disciple qui s’appelait Vivekananda qui a pris ce nom et en a fait un ordre religieux de tous ces swamis en orange, qui se promènent, pas ceux maintenant qui sautent en l’air et qui disent : « Hare Krishna, cela, c’est une sorte de nouvelle secte ». Beaucoup de swamis qui ont joué un certain rôle du Ramakrishna, je crois. Mon frère en connaissait un. C’était des gens qui étaient assez estimés bien qu’évidemment, cela soit déjà un hindouisme très adapté aux goûts occidentales.
Interviewer : Je continue avec le pêle-mêle des questions. Je les trie quand même avec un petit peu d’hypocrisie, je vous le révèle. Qu’est-ce qu’on peut dire des Sikhs ?
Alain DANIÉLOU : Les Sikhs sont une secte de guerrière hindoue qui s’est formée à l’époque de la domination musulmane pour lutter contre les musulmans, en disant : « C’est seulement en se comportant comme des musulmans qu’on peut lutter contre eux. » C’est donc une secte de religion avec des gourous, des gens qui portent un poignard et un bracelet de fer, etc. C’est une confrérie guerrière qui s’est formée pour défendre l’hindouisme contre des musulmans. Déjà, la moitié du pays Sikh a été donné aux musulmans dans le Pakistan. Ensuite, quand il y a eu des réfugiés, les hindous: « On met cela avec les Sikhs. »
Louis PASQUIER : Selon vous, un des grands problèmes de l’Inde actuels, c’est cette transplantation des idées socialismes romantiques du XIXème qu’on a calqué sur l’Inde qui n’était pas du tout…
Alain DANIÉLOU : Absolument et qui ne correspond absolument pas. Vous avez tous les gens qui vivent sur deux plans, d’un côté, en faisant semblant d’être démocrate et égalitaire, etc., et socialiste et je ne sais pas quoi, et de l’autre côté, secrètement, bien sûr respectant les règles de caste, les règles de religion. Ils n’agréeraient pas de marier leurs filles à quelqu’un qui n’est pas du même groupe ethnique, avec les mêmes horoscopes et tout ce qu’il faut pour faire un mariage heureux. En même temps, ils en parleront comme si c’était des choses abominables.
Louis PASQUIER : On se croirait en France alors.
Interviewer : Oui, on se croirait dans la France de demain.
Jacques CLOAREC : Je crois que tous les observateurs qui ont réussi à pénétrer un peu dans l’Inde, on en voit beaucoup d’Italiens qui arrivent à rentrer d’un milieu assez traditionnel et ont tous le même argument. Ils trouvent que la société traditionnelle indienne ne bouge absolument pas. Le système des castes, malgré le modernisme que veut imposer le gouvernement, reste absolument une société de castes.
Interviewer : Voilà qui est rassurant pour nos auditeurs.
Louis PASQUIER : C’est une question qu’on voulait poser depuis deux heures.
Interviewer : C’est une société basée sur les principes les plus odieux à l’idéologie contemporaine en quelque sorte.
Alain DANIÉLOU : Oui, le respect de l’autre, c’est tout à fait extraordinaire.
Interviewer : C’est insupportable puisque c’est le respect de l’autre.
Alain DANIÉLOU : On veut le coloniser, on veut l’assimiler, on veut lui imposer d’être autre chose que ce qu’il est. C’est tout à fait une chose qui est révoltante du point de vue hindou. Il faut respecter pour chacun son…
Interviewer : Le droit à la différence.
Alain DANIÉLOU : Le droit à la différence, sa race, sa religion, ses conceptions sociales, son système de mariage, son système d’héritage et tous ses groupes. Il ne faut pas croire que même les castes soi-disant défavorisées, les plus pauvres, etc. sont aussi attachés à leurs groupes, à leurs nations, à ce qu’ils sont, que des gens qui sont dans des milieux théoriquement plus élevés.
Interviewer : En gros, les troupes, par exemple, du parti nationaliste hindou, il y en a Jana Sangh , ces troupes sont publiques, se recrutent par exemple dans les classes dites supérieures, du brahmanisme ou est-ce qu’on les retrouve chez les Parias ?
Alain DANIÉLOU : Je peux vous le dire tout simplement. J’avais un batelier, les bateliers sont une des classes les plus basses parce que sur le Gange, ils transportent des morts. Ils sont à l’Inde ce qu’on appelle intouchable. C’était un beau garçon d’ailleurs qui faisait beaucoup de gymnastique avec le grand prêtre du temple qui était un copain.
Jacques CLOAREC : Brahman donc ?
Alain DANIÉLOU : Le grand prêtre, bien sûr. Pour faire de la lutte, il n’y a pas ces restrictions. Il a été emprisonné par Nehru parce qu’il faisait partie du Jana Shangh. Il faisait partie du peuple actif du parti orthodoxe.
Interviewer : Mais on se rapproche de plus en plus d’un schéma familier. Il n’y a pas besoin de faire de…
Présentatrice : Je rappelle que vous êtes sur Radio Courtoisie, la radio libre du pays réel et de la francophonie, 95.6 Mhz. Autour de cette table, Monsieur Daniélou, Monsieur Pasquier, Monsieur Cloarec dont le thème principal est l’Inde.
Interviewer : Il y a une question toujours de la même jeune fille auditrice, étudiante en théologie à l’institut catholique puisqu’il y a un paradoxe, qui nous pose cette question que je trouve un tout petit peu insidieuse : « A quelle caste Monsieur Daniélou appartient-il ou appartiendrait-il ? »
Alain DANIÉLOU : On ne peut pas changer ce que l’on est, par principe. Donc, si on est né dans un certain monde, dans un certain lieu, on fait partie de ce groupe. Des gens comme moi, sont considérés comme des Mleccha, nous sommes des barbares. C’est une caste, ce n’est pas du tout déshonorant, mais c’est parmi les basses castes.
A ce moment-là, qu’est-ce qu’il y a ? Quels sont les problèmes ?
Des gens de n’importe quelle caste peuvent étudier. Ils ne peuvent pas officier, ils n’ont pas le droit d’enseigner des Védas qui sont des textes rituels. Mais à part cela, pour étudier la philosophie, la religion, les textes cosmologiques, il n’y a pas à condition qu’on respecte les données de l’étudiant. C’est-à-dire pendant toutes les années où moi, j’ai travaillé avec les grands lettrés à Bénarès, il fallait qu’il soit tranquille que je prenais mon bain dans le Gange, que j’étais végétarien parce qu’on doit être végétarien en tant qu’étudiant, que je portais des vêtements sans coutures et que je ne chercherai jamais à toucher quelqu’un et que si j’étais auprès d’un maître respectable, je n’essayerais pas de m’asseoir à côté de lui, mais je m’assiérai plus bas. Donc, simplement question de politesse toute simple. Moyennant cela, il n’y a aucun problème. Là, l’enseignement est ouvert à tout le monde et seulement, il y a des questions des règles de comportements entre les différentes castes.
Interviewer : Mais il n’y a pas d’agressivité. Par exemple, vous employez le mot barbare. Je crois qu’il faut quand même rappeler qu’il y a un petit paradoxe à dire – comme on l’a fait, ces derniers jours dans le contexte qui n’a rien à voir avec l’Inde, mais on se demande s’il n’y a pas quelque chose à avoir avec l’Inde – de dénoncer la barbarie et de vouloir en même temps dénoncer toutes les formes de racismes, car au fond, qu’est-ce qu’il y a de plus raciste que le concept même de barbare ? En ce sens, qu’est-ce que c’est un barbare ? C’est un étranger qui n’est pas dans la même civilisation.
Est-ce que justement chez les peuples polythéistes ou aussi bien dans l’Inde que dans le monde antique, le terme barbare est une chose qui n’est pas péjorative ? C’est un étranger quand même particulier. Par exemple, le romain n’est pas un barbare pour un grec, le perse l’est. Et puis, pour un chinois, par exemple, je ne sais pas si le japonais est un barbare. Mais les indiens et les portugais sont les barbares bruns, nous, les français, donc vous aussi, sont les barbares blancs, curieusement. Et les anglais les barbares roux, c’est pittoresque. Mais barbare, ce n’est pas péjoratif pour un indien. C’est comme cela.
Alain DANIÉLOU : Je dis barbare, le mot est Mleccha. Mleccha est bien…
Jacques CLOAREC : A partir du moment où on n’est pas né sur le territoire de l’Inde. C’est très simple comme…
Alain DANIÉLOU : Par exemple, les Yavanas, les Vioniens, ils jouent une grande place sur la culture de l’Inde parce qu’ils avaient beaucoup de contacts avec la Grèce. Il y a des traités d’astrologie iranienne, des traités d’ioniens, des traités de théâtre inspiré des grecs, etc. Donc, ce n’était pas considéré qu’ils ne font pas partie de la culture, mais peuvent être dans les fonctions rituelles, il y a des limitations.
Interviewer : Il faut être indien. Il faut être hindou, brahmane.
Alain DANIÉLOU : Oui, vous avez des prêtres ici qui officie dans les églises.
Interviewer : Ce n’est pas une caste héréditaire.
Alain DANIÉLOU : Le recrutement est différent. Mais dans d’autres métiers, cela a été souvent héréditaire, même ici, je crois, des commerçants.
Interviewer : Oui, pour être la maison Gallimard, on vient de nous rappeler qu’il faut s’appeler Antoine Gallimard. Même Michel Déon a fait un article qui est très joli où il énonce la fortune anonyme et vagabonde qui prétend prendre la place de la caste Gallimard et c’est très choquant.
Louis PASQUIER : Les compagnons, monsieur, les compagnonnages.
Alain DANIÉLOU : Oui, mais les compagnonnages sont aussi des associations. C’est comme des ordres monastiques.
Louis PASQUIER : Oui, dans des castes.
Interviewer : Il y a des questions que je n’arrive pas à poser parce que j’avoue ne pas en connaître le sens. Et il y a une question quand même que de nombreux auditeurs nous posent puisqu’on a parlé des castes : « A quelle caste appartenait Gandhi ? »
Alain DANIÉLOU : Gandhi appartenait à une caste de commerçant. C’était un marchand.
Interviewer : Ce n’était pas un marchand d’esclaves quand même ?
Alain DANIÉLOU : Non, écoutez, tous les marchands ne le sont pas. Votre marchand de saucisse n’est pas un marchand d’esclaves. Et dont le père avait un petit poste de technique auprès d’un petit raja et qui en a envoyé faire ses études en Angleterre.
Interviewer : Monsieur Daniélou, on va revenir à une question par laquelle on aurait dû commencer, que nous pose un auditeur. Maintenant, vous savez ce que vous avez trouvé, mais au départ, qu’est-ce qui vous a motivé pour aller dans l’Inde ?
Alain DANIÉLOU : Les dieux. Moi, je n’ai jamais eu l’idée d’aller dans l’Inde. J’ai été invité parce que le fils d’un ambassadeur d’Afghanistan avait été confié à ma famille pendant quelque temps. Et quand son père est devenu roi, il m’a dit : « Pourquoi tu ne viens pas me voir, etc. ? » Donc, j’étais invité dans un… c’est très amusant, pourquoi pas ?
Interviewer : C’est très celte des…
Jacques CLOAREC : D’aller en Afghanistan ?
Alain DANIÉLOU : D’aller en Afghanistan. Certains n’ont jamais entendu parler de l’Inde.
Interviewer : Les Gaulois avaient des pratiques comme cela.
Jacques CLOAREC : L’ancien roi d’Afghanistan alors ?
Alain DANIÉLOU : Oui. Il vit à Rome d’ailleurs, je le vois souvent, c’est un ami. Et pour y aller, il fallait traverser l’Inde et j’ai trouvé ce pays étonnant. Après l’Afghanistan, je suis retourné de nouveau dans l’Inde et j’ai rencontré des gens que je connaissais à Calcutta qui m’ont dit : « Pourquoi est-ce que vous n’allez pas voir le prêtre Tagore ? » Pourquoi pas ? Donc, je suis allé rencontrer Tagore qui était un homme charmant et très gentil et qui m’a dit : « Puisque vous rentrez en Europe, pourquoi vous n’allez pas voir quelques-uns de mes amis, pour essayer de faire quelque chose pour mon institution ? » On a dit oui. Puis alors, les amis s’appelaient André Gide, Paul Valéry, Benedetto Crocce (0:51:52), Paul Morand, etc.
Ensuite, j’y suis retourné presque chaque année chez Tagore. Et puis, au bout de quelques années, je me suis dit : « C’est quand même un monde hindou au fond très ouvert, très moderne, très occidentalisé d’une certaine façon. » C’est pour cela que je suis allé m’installer à Bénarès pour vraiment essayer d’étudier cette civilisation, cette culture. Et puis alors, j’y suis resté. A ce moment-là est arrivée une guerre. J’étais donc au bord du Gange, je n’ai rien vu de cette triste période ici.
Jacques CLOAREC : Ce qui est quand même tout à fait surprenant, c’est qu’à priori, vous étiez à l’époque danseur, vous faisiez de la peinture quand vous êtes allé en Afghanistan et que rien, ni du point de vue philosophique, ni religieux ne vous attirait en Inde. Vous n’aviez pas une…
Alain DANIÉLOU : Sauf la musique. J’ai toujours fait de la musique et je m’intéressais déjà à des formes de musique orientale. Et donc, je me suis mis aussi à étudier la musique indienne pendant des années. D’ailleurs, un de mes premiers grands livres qui n’existe pas en français malheureusement est un grand livre sur les ragas, qui n’existe qu’en anglais. Là, simplement parce que cela m’intéressait, sans jamais avoir des projets, de faire quelque chose, je me suis trouvé tout d’un coup à savoir des tas de choses qu’apparemment très peu de gens connaissent. Et aussi, après l’indépendance, quand il y a eu la création de ces mouvements en faveur de l’hindouisme, il y a eu, je pense, de la part de certains des grands lettrés cette idée qu’après tout, je pouvais être utile pour présenter la réalité de l’hindouisme. Alors là, j’ai eu toutes les facilités pour tous les enseignements sans que je n’aie jamais fait pour cela, cela s’est fait comme cela.
Interviewer : Est-ce qu’on ne pourrait pas – parce que c’est assez fascinant finalement comme destin – maintenant, il y a un fait pour en revenir à une espèce de rationalité européenne française, et il y a un problème de la connaissance de l’Inde en France et aussi bien des enseignements traditionnels importants. Est-ce qu’il ne vous semble pas qu’il y a un effort, une réflexion à faire sur la connaissance de l’Inde des français ?
Alain DANIÉLOU : Sûrement. Je connais très peu de choses qui soient valables.
Interviewer : Est-ce que le gouvernement indien s’en préoccupe ?
Alain DANIÉLOU : Non. Le gouvernement indien, d’une certaine façon, oui. Mais en même temps, il était très contre les grands lettrés et l’enseignement traditionnel. Il prenait la succession des idées coloniales. Je crois que maintenant, cela s’améliore.
Interviewer : Tu veux dire, le parti du congrès, cela représente une forme peut-être superficielle mais un système de gouvernement de l’Inde. Mais ce n’est pas le fond de la tradition indienne, c’est même antagoniste.
Alain DANIÉLOU : Maintenant, c’est tout de même les partis hindous qui ont pris le pouvoir. Le congrès est maintenant minoritaire.
Interviewer : Depuis que Rajiv Gandhi a perdu les élections.
Alain DANIÉLOU : Oui.
Interviewer : J’ai noté dans votre livre que vous disiez que l’Inde n’avait jamais connu la misère, autrefois, avant la colonisation. Or, ce qui choque au plus haut point tous ceux qui sont en Inde aujourd’hui, c’est la très grande misère de certains individus. Comment vous expliquez cette cassure ?
Alain DANIÉLOU : C’est l’exploitation coloniale folle. Parce que quand même, quand les Anglais sont arrivés dans l’Inde, le niveau de vie de l’Inde était le plus haut du monde et il n’y avait absolument pas de misère.
Interviewer : Absolument pas de misère ?
Alain DANIÉLOU : Non. Mais alors, je sais qu’il y a d’ailleurs une partie, j’ai connu une Inde beaucoup moins misérable que celle d’aujourd’hui, mais cela a été surtout la division de l’Inde. On a des millions de réfugiés qui sont arrivés du Pakistan.
Interviewer : Il y a une démographie peut-être. Il y a une démographie qui pose un problème.
Alain DANIÉLOU : Là, aussi, toutes les lois, tous les systèmes indiens pour limiter la population ont été condamnés de façon qu’il a…
Interviewer : Même pas Gandhi enfin, ils ont continué.
Alain DANIÉLOU : Non. Pas les Anglais d’abord.
Jacques CLOAREC : On ne peut pas juger du système traditionnel de l’Inde sur l’aspect des grandes villes particulièrement de l’Inde qui sont complètement ravagées par la surpopulation et par les problèmes créés par la partition parce que les problèmes de la partition ne sont pas encore résolus dans l’Inde.
Louis PASQUIER: En fait, aujourd’hui, l’Inde souffre de la colonisation anglaise du siècle passé.
Interviewer : Il faut peut-être rappeler de façon très aiguë aux auditeurs que les Anglais ont interdit l’industrie textile aux Indiens.
Alain DANIÉLOU : Ils ont même coupé les pouces des tisserands.
Interviewer : Il ne faut pas confondre les colonisations, les politiques coloniales qui ne sont pas tout à fait les mêmes et qui ne répondaient pas aux mêmes objectifs. En l’occurrence, il s’agissait uniquement d’objectif financier et économique.
Alain DANIÉLOU : Oui, aussi d’une méconnaissance du système, de tout le système social, et qui fait qu’on a quand même provoqué un désordre dans la population.
Louis PASQUIER : Quand vous dites méconnaissance, mais justement, pour en arriver à créer le Pakistan, il faut à mon sens avoir au contraire une connaissance très aiguë de ce qu’on va faire. Alors que presque tous les Indiens qu’ils soient musulmans ou hindi ne voulaient pas de cette partition, ils l’ont quand même imposée pour qu’aujourd’hui, la situation soit ingouvernable.
Alain DANIÉLOU : Bien sûr.
Louis PASQUIER: Je ne vous suis pas totalement quand vous dites que c’est de la méconnaissance. Je pense que c’est du cynisme ou…
Alain DANIÉLOU : Non, je parlais avant.
Louis PASQUIER : Et c’est très mal intentionné.
Alain DANIÉLOU : Je parlais d’une méconnaissance de tout le système social, de toutes les institutions qui fait que rien ne marche plus puisque de nouveau, on imposait les systèmes de justice, des lois qui étaient contraires à…
Louis PASQUIER: Et aujourd’hui que le parti nationaliste est de nouveau au pouvoir, quelle décision…
Alain DANIÉLOU : Je ne sais pas du tout parce que c’est très récent. On ne sait pas dans quelle mesure ils pourront rétablir certaines valeurs, certaines structures, surtout qu’une fois qu’on a créé un tel désordre, on veut rendre le pouvoir à des gens à qui on l’a pris et puis on leur dit : « Débrouillez-vous avec les désordres. »
Interviewer : On n’instaure pas l’ordre comme on instaure les désordres.
Jacques CLOAREC : Je crois que c’est un peu la même chose en Afghanistan.
Alain DANIÉLOU : C’est ce qu’avait dit le roi d’Afghanistan. Ils ont créé une pagaille insensée et puis, ils me disent : « Est-ce que vous ne voulez pas revenir pour mettre les choses en ordre ? » Mais comment est-ce que je peux ? Qu’ils remettent les choses en ordre, je reviendrai volontiers.
Interviewer : On peut même faire une comparaison avec la Russie. Je trouve une question étonnante d’un Monsieur qui trouve curieux que ce que je trouve très bien en Afrique et pour les Africains, les colonisations, soient prohibées pour l’Inde. Je tiens à dire à cet auditeur, c’est une incidente qui me concerne moi, c’est que je pense d’abord que le problème de l’Afrique et le problème de l’Inde, c’est deux choses bien différentes, pour commencer. Et deuxièmement, à plusieurs reprises, y compris lorsque nous avons un invité Bernard Lugan, nous avons conclu qu’autant la colonisation, notamment la colonisation française en Afrique n’avait pas à être maudite parce qu’elle n’avait pas fait cela, elle n’a pas coupé le doigt à des tisserands. Au contraire, elle a cherché plus au moins intelligemment en Afrique noire à créer les conditions du progrès. Personnellement, il y avait des raisons un peu différentes d’ailleurs de celle de Bernard Lugan. Personnellement, je tiens à dire que je considère que l’expérience coloniale en Afrique est négative pour la France, d’abord, ce qui me paraît le plus important. Mais également du point de vue de l’Afrique, je tiens à dire à cet auditeur que je suis ce qu’on peut appeler « un anti colonialiste de droite. »
Mais cela n’a rien à avoir avec l’Inde parce qu’avec l’Inde, il y a une respiration spirituelle dont j’avoue que ma sensibilité ne me porte pas à la chercher vers l’Afrique beaucoup plus. Parce que le pèlerinage aux sources de Lanza del Vasto, il va vers là, il ne va pas vers l’Afrique.
Alain DANIÉLOU : Ce n’est pas du tout la même chose.
Interviewer : Comparaison n’est pas raison.
Louis PASQUIER: Est-ce que vous pouvez un peu, s’il vous plait, m’expliquer ou plutôt me parler de la transmission orale que les Brahmanes jugent seule valable ?
Alain DANIÉLOU : Oui, comme les druides d’ailleurs. Mais cela pose tout un problème aussi de l’écriture. L’Inde, au fond, l’hindouisme a comme base deux éléments qui sont le shruti, ce qui est entendu, et le smriti, ce dont on se rappelle, mais pas le livre. Et au fond, c’est très dangereux. Je crois que toutes les religions du livre tombent dans une espèce de superstition d’un texte que l’on fixe à une certaine époque et qui devient dieu en quelque sorte, et cela, c’est extrêmement dangereux.
Interviewer : J’aurais dit un voisin qui est Confucius qui disait : « Méfie-toi de celui qui est l’homme d’un seul livre. »
Alain DANIÉLOU : Oui.
Interviewer : On va être amené tout en vous remerciant parce que ces minutes ont passé assez vite. Et là, cela conclut et à conclure à partir de deux questions que nous posent nos auditeurs. D’abord, une question décisive. L’auditeur nous dit : « Pouvez-vous nous donner des explications sur le Véda ? Est-ce vrai que c’est la langue des Aryens ? » C’est une question qui n’est pas la bonne. La vraie question, c’est : « Qu’est-ce que c’est que le sanskrit ? »
Alain DANIÉLOU : Attention. Le Véda, d’abord, il y a quatre Védas : le Rig-Véda, le plus ancien, ce sont des hymnes amenés par les tribus aryennes qui ont conquis l’Inde vers 1800, je ne crois pas, avant notre ère.
Interviewer : Et qui était transmise oralement ?
Alain DANIÉLOU : Qui était transmise oralement. Ils ont été écrits que bien des siècles plus tard, puisque les Indiens aryens refusaient l’écriture.
Interviewer : Le sanskrit, c’est donc une création.
Alain DANIÉLOU : Le sanskrit est une langue qui est un petit peu dérivé du védique, avec toutes sortes d’apports des langues indiennes plus anciennes et qui alors a été raffinée d’une façon extraordinaire par des grammairiens de génie, et alors, qui ont créé une langue artificielle qui devait durer pour toujours.
Interviewer : C’est la langue parfaite.
Alain DANIÉLOU : C’est la langue parfaite, et qui est restée identique à elle-même. Cela était fait par Panini au Vème siècle avant notre ère et cela n’a pas bougé jusqu’à nos jours.
Interviewer : Vous dites qu’il y a une vingtaine de façons d’exprimer le moi ?
Alain DANIÉLOU : Oui, bien sûr.
Interviewer : C’est une finesse extraordinaire.
Alain DANIÉLOU : Une finesse dans tous les domaines. Dans quelques textes qu’on essaie de traduire, on ne sait pas comment faire parce qu’on a 20 mots en sanskrit et pour un demi validé en français. Le français est très pauvre.
Interviewer : Cette question du sanskrit, je crois que c’est très intéressant de le rappeler, c’est une chose absolument sans équivalent dans le monde. C’est un peuple qui a réinventé sa langue. C’est la plus ancienne langue indo-européenne connue, la plus proche de la langue de nos ancêtres indo-européens et en effet, on peut en souhaiter le développement de son étude en Occident. Cela paraît une chose…
Alain DANIÉLOU : Pas seulement la langue parce que cela représente une littérature immense au point de vue cosmologie, philosophie.
Interviewer : Cela permet d’accéder à ces quatre Védas. Le Rig-Véda, dont on a parlé et puis les trois autres.
Alain DANIÉLOU : Le Sama-Véda qui sont des hymnes pour être chantés, qui sont (1:08:10) inaudible. Le Yajur-Véda qui est le troisième. L’Atharva-Véda qui est beaucoup plus tardif et qui est un ramassis par les Aryens des connaissances antérieures, des connaissances des Dravidiens.
Interviewer : Autre question. Je commence par une toute petite référence que nous demande un auditeur, je crois que la référence était extrêmement importante. Vous dites que les Anglais ont coupé les pouces des tisserands indiens pour les obliger… Pouvez-vous préciser une référence, un texte ? A quoi on peut envoyer les auditeurs pour citer cet exemple terrible ?
Louis PASQUIER: Je me permets d’intervenir. C’est eux qui étaient en place. Il n’y a pas de raison de trouver beaucoup de textes. En général, on trouve des textes des « atrocités » commises par les Indiens lors de leurs révoltes de 1857, mais que dans l’autre sens…
Interviewer : Vous citez ça dans votre histoire de l’Inde.
Alain DANIÉLOU : Je ne sais pas si je l’ai mentionné.
Interviewer : Dans votre histoire de l’Inde, vous dites que les Anglais attachaient les princes indiens au bout des canons pour leur faire payer leurs…
On en cherchera la référence et on le dira dans 15 jours. Je suis obligé de conclure sur les livres auxquels nos auditeurs peuvent se référer. D’abord, il y a un livre qui s’appelle « Les Contes du Labyrinthe », qui vient de paraître aux éditions du Rocher. Il y a un deuxième livre toujours aux éditions du Rocher. Enfin, il y a un livre précédent, c’est « La Fantaisie des Dieux et l’Aventure Humaine » toujours par Alain Daniélou aux éditions du Rocher. « Shiva et Dionysos » qui, hélas, on ne trouve pas actuellement en librairie aux éditions Fayard.
Il y a votre roman traduit, le texte « Manimékhalai ou le scandale de la vertu du prince-marchand Shattam », traduit du tamoul, présenté par Alain Daniélou. Il y a enfin, le livre de Louis Pasquier « Rencontre avec Gurdjieff et Alain Daniélou et Schwaller de Lubicz. » Et enfin, votre « Histoire de l’Inde » parue aux éditions Fayard.
Alain Daniélou, je vous remercie infiniment d’être venu parmi nous ce soir et de nous parler de ce pays passionnant, qui est l’Inde, auquel nous continuerons à nous référer même si cela ne plait pas à Monsieur René Rémond.
Alain DANIÉLOU : En tout cas, j’ai été ravi. C’était un grand plaisir de converser avec vous.